Michel Nuridsany

Michel Nuridsany – Cécile Savelli sa vie le bon

UNE DÉCONCERTANTE FRAÎCHEUR Par MICHEL NURIDSANY

Elle n’est pas calme, pas modeste, pas réservée. Pas douce non plus, comme on pourrait le croire un peu vite quand, sans la connaître, on entend sa voix sans ombre, quand on la regarde bouger avec mesure. Pas modérée, pas pudique, pas discrète non plus. Otez-vous tous ces mots de l’esprit. Pas effacée. Oubliez ce qu’une première impression peut avoir d’évident.

Regardez. Cela seul, compte.
Regardez ce qu’elle peint, ce qu’elle dessine, ce à quoi elle donne forme et vie. Voici des personnages assis autour d’une table qui chavire un peu dans une perspective moins sage qu’il n’y parait. Ils sont trois: à droite, une femme aux yeux clos, au centre un homme qui baisse la tête et croise les mains devant sa bouche dans une attitude qui pourrait être celle de la concentration, du recueillement ou de la prière, à gauche un jeune homme boit. La peau des personnages est de la même couleur, disons brun clair ou beige, le jeune homme porte un tee-shirt d’un rouge éteint, lie-de-vin, peut-être, la femme un pull de la même couleur, l’homme un tee-shirt blanc. Le cadrage qui décentre la scène vers le bas, donne tout l’espace aux murs qui imposent une teinte pastel à l’ensemble, gris olive très clair dans la partie haute du centre, vaguement rose, très clair aussi, en dessous, vert amande très clair encore, à droite, cette couleur répondant plus ou moins à celle de la table. Il y a de l’air entre les êtres. Les personnages se découpent sans heurt dans une sorte de quiétude. Aucun relief. Pas de rides aux visages, pas de plis aux vêtements. Seule une légère rugosité de la peinture, une absence d’apprêt, empêche de parler d’à-plat. Je ne sais quelle lenteur hante la scène, saisie d’après photo.
On pourrait penser à Morandi pour l’équilibre de la composition et la façon d’éliminer l’accessoire. Pour l’intimité. Pour les couleurs. Quand on prononce ce nom, le visage de Cécile Savelli s’éclaire. Oui, Morandi, dit- elle, et elle sourit. Elle ajoute, dans le même élan: j’aime aussi les primitifs italiens. D’où ces à-plats ? Oui, d’où ces aplats. D’où cette simplicité claire, lumineuse ? Oui, aussi.
Après, tout de suite après, regardez les « Torchons », ce qu’il y a sur ces torchons. Ce qui arrive, se produit, ce qui bave, hésite et surgit. Tout cela en accumulation, ajusté presque bord à bord. Il y en a cent. Un magma, une sorte de magma, quelque chose qui sourd et jaillit. Irrépressible. Ce ne sont que des torchons, achetés dans je ne sais quel marché de Marseille à prix populaire et peints vite, dans l’urgence, sans prudence, sur des carreaux qui ressemblent à des grilles. C’est à peine peint, c’est jeté, cravaché, ça houspille le support, ça le fouette. Et pas question de canaliser ce déchainement. Au contraire ! Explosé, à la limite du visible,

alors quoi ? Du sexe. Violent. Aveuglant. Ce qui est peint n’est pas un sujet, c’est la rage, l’urgence, la nécessité de se débarrasser de je ne sais quoi, de sévices, d’outrages. C’est la nécessité de hurler. Voilà de la terreur, de la révolte à l’état pur. Ce qui sidère dans ce qui se passe sur ces rectangles à fond blanc et rouge, blanc et bleu, blanc et orange, blanc et gris, c’est l’audace incroyable qui viole jusqu’à l’air du lieu où cette incroyable déferlement explose. Une ruée de roux, de noir.

Dans les deux oeuvres dont on vient de parler, une même simplicité formelle, voire plus, une sorte de pauvreté. C’est ce qui les relie. Le désir de parler de sa propre histoire aussi, de figurer l’intime. Le figurer, le donner à voir, pas l’illustrer.
Le livre porte sur sa couverture, en lettres blanche sur fond bleu clair, un titre énorme – « LA VIE » – en lettres capitales.
« La vie » ou « Ma vie » ?
… Ma vie en tant qu’elle est, plus ou moins, la vie de tout le monde ?
La vie de Cécile Savelli a son origine lointaine dans le sud de L’Italie, en Calabre et en Sicile. Ces Calabrais, ces Siciliens pauvres émigrent en Algérie. A Constantine.
A la maison on ne parlait pas de ça, dit Cécile Savelli. Parfois, à table, je percevais des bribes de conversations. Ce sont mes tantes qui m’ont permis de reconstituer peu à peu l’histoire de la famille. Quand j’étais adolescente, me savoir fille de pieds-noire me révoltait. Je me disais que j’étais d’une famille de fachos colonialistes. J’avais honte.
Elle n’ira en Algérie qu’en 2019. De ce voyage dont elle parle en s’étonnant de ce qu’elle a vu et vécu là, de ce qui s’est passé, riant de sa fureur quand, à la mosquée, le gardien de la foi, sans rien lui expliquer, l’oblige à se couvrir de façon à ce qu’on ne voie rien de son corps, elle rapporte la série des « robes ».
Images puissantes, très simples, qui occupent la quasi totalité du support, toutes de face et centrées. Les motifs décoratifs débordent, passent du fond au motif, du motif au fond. On pense à Matisse. Et quand on dit Matisse, Cécile Savelli sourit, comme quand on dit Morandi. Deux modèles ? Deux influences ? deux admirations ? Moins ? Plus ? Pas vraiment une filiation mais une proximité dans la façon de se saisir de la peinture et de mettre en scène la lumière, d’équilibrer les masses, d’accueillir une intensité. Ici une robe rouge dont le motif de fleurs blanches, hâtivement figuré, répond aux feuilles et aux fleurs du fond qui parcourent des bandes bleues et olive, là une robe constantinoise brodée à l’or qui ressemble à une cotte de maille et qui pourrait tenir toute seule debout, une abaya brune avec un liseré plus foncé et le hijab qui couvre la tête. Je ne supporte pas d’être entravée dit-elle, évoquant encore ses démêlées à la mosquée. C’est moi, au milieu de toutes ces robes. Ca me va ou pas. Est-ce que je suis une danseuse de flamenco, une berbère ? Je me suis toujours sentie décalée, sans racines.

Là, toujours, Cécile Savelli, et sa vie, la découvrant, on dirait, tout en peignant, laissant venir la couleur, variant les techniques beaucoup. Peinture à la cire sur du bois très fin, ici, encre de Chine et crayon de couleur sur papier, là, sérigraphie sur torchon ailleurs, monotype, collages et, même, installation. Les couleurs, pour pâles, pastel, qu’elle soient, n’empêche pas Cécile Savelli d’être une coloriste.

Etrangement les premières oeuvres d’elle que j’ai vues, en 2014, rue de Bagnolet, à Paris, étaient balancées sur papier bambou à l’encre de Chine noire. Un entrelacs incompréhensibles mais noir, des jets d’encre, de grosses taches, des formes inaccomplies qui apparaissaient pour parler de disparition. C’était bon ou mauvais, ou rien. Ou extraordinaire. Sa tante, chez qui elle se réfugiait quand la vie devenait trop difficile, venait de mourir.

Cécile Savelli naissait à l’art. Renaissait à l’art, plutôt.
Car il y a une première vague de tentatives au sortir de l’Ecole des Beaux Arts d’Avignon, en 1986, où elle a passé – en roue libre, dit-elle-, cinq années, commençant par un atelier de restauration d’oeuvres peintes, continuant dans l’atelier « art » lors de ses trois dernières années. Elle dessine, peint, esquisse des babioles, prend des notes dans des carnets qu’elle n’a pas conservé. Qu’elle a détruits. Je n’étais pas assez assurée pour affronter le monde de l’art, dit-elle. Je ne trouvais pas ma légitimité. J’avais l’impression d’être un imposteur. Ca m’affligeait. Après ? Après, j’ai eu des enfants.
Aujourd’hui, la plupart de ses oeuvres donnent une impression sinon de facilité, du moins d’aisance. Ca a l’air d’être venu vite. Elle approuve: ça vient vite quand ça part de sa vie, de son histoire, du familier. Alors, le geste suit. Spontané. Direct. Fluide et souverain.
Voyez ce petit guéridon avec téléphone dans un océan de bleu tendre et petit pan de mur violet dans une perspective basculée, elle, pas naturelle du tout, mais évidente. Voyez cette femme au pull vert cru, au pantalon bleu, vue de face, posée sur un bleu clair plat, sans perspective, entourée d’un bestiaire enfantin: chats, chiens, poules, lapins et deux tortues accouplées.
Simple ou « simplement « compliqué », comme dit Thomas Bernhard ?

En 2018, à Marseille, quand j’ai visité l’atelier, j’ai été subjugué par une peinture toute petite, de format carré, accrochée au mur. Une peinture étrange, tout de suite fascinante, intense, envahie par le brun. Sur ce brun, s’incrustaient deux formes féminines assises, l’une assez nette, de profil, l’autre presque de face, plus vague, qui se dissolvait dans une espèce de cadre orangeâtre. J’ai mis un certain temps à comprendre et à voir qu’il s’agissait du reflet dans un grand miroir de la femme assise à droite avec un enfant sur son ventre, d’une maternité. Cécile Savelli lui a donné un titre: « Seule ». Titre étonnant pour une maternité; mais,

quitte à donner des titres à des peintures, autant qu’ils apportent quelque chose, non ?
« Seule », « ça ne veut pas rien dire», comme l’écrit Rimbaud à Georges Izanbard, son ancien professeur.

C’est là aussi, dans l’atelier, que j’ai découvert ses « Autoportraits de ménage », petites peintures à l’émulsion de cire que j’ai adoré, que j’ai exposées à Paris, dans une galerie de la rue Jouye Rouve, entre Belleville et Pyrénées, aujourd’hui disparue, à côté d’oeuvres de Damien Cabannes, Martine Aballéa, Anne Brégeaut, Laurent Pernot, Lionel Sabatté, d’autres. On y voit une ménagère qui, bien que montrée de dos, ressemble à Cécile Savelli. Elle tend son linge, fait la cuisine. On circule là dans un espace brouillé, réduit à l’essentiel, la cuisinière et celle qui fait la cuisine, vue de dos, donc, pour accroitre l’effacement, l’impersonnalité de la fonction, soulignée par des couleurs ordinaires, qui, tout autour, se dilapident dans des gris, des gris verts, des gris roses.

Pas de narratif ici. Jamais de narratif dans la peinture de Cécile Savelli, des images ralenties, à peine fixées, avec des zones de repos et d’autres d’effondrement. Des grand-mères, des grand-pères, des mères, des pères, des enfants. La famille, quoi. Mais la famille, comme bizarrerie. Et ce bizarre, tiens, elle le dessine avec, en tête, des questions et d’abord celle-ci, la plus simplement compliquée: qu’est-ce qu’une
famille ? Réponse pas évidente, du moins pour celle qui a percuté beaucoup d’écueils dans une vie qui ne fut pas un long fleuve tranquille. Images que l’on dirait retenues.
La série des orang outans au milieu de tout cela, serait-elles une incongruité ? Ou alors, ces hominidés feraient-ils partie de la famille ? En indonésien orang outan veut dire, parait-il, « personne de la forêt ». Pas « animal », « personne ». Voyez la grâce de ce bras roux jeté dans l’espace comme celui d’un danseur figuré sur fond de papier peint à fleur. Quand elle parle des orang outans et passe ensuite à sa famille, entre deux rires, Cécile Savelli raconte que ayant vu, sous les poils, la peau d’une de ces « personnes de la forêt », elle a pensé à son père, qui avait des poils longs et abondants sur tout le corps. Anecdote. Souvenirs. Drôleries douces. Au delà, pensez peinture et regardez, ce sont des masses.
La pensée chemine, les associations d’idées aussi, les émotions. On regarde, on s’interroge, on découvre, on contemple, on sourit, on partage, on se laisse happer par le vertige. Et puis, toutes amarres larguées, l’indicible: la couleur. La couleur qui n’est pas une bizarrerie mais une folie. Henri James parle de la folie de l’art. Au coeur de cette folie, celle de la couleur plus étrange encore, qui diffuse son mystère dans l’espace de l’oeuvre et au delà.
Etrangeté d’autant plus étrange que, parfois, souvent, chez Cécile Savelli, même dans les peintures les plus évidentes, la révélation passe par un obscurcissement. Voyez la maternité intitulée « Seule ».

Plus récemment, Cécile Savelli a introduit l’abstraction dans sa pratique, la mêlant alors à des éléments figuratifs ou décoratifs venus du quotidien. Elle colle, ainsi, un rectangle de tissu à motif floral sur de larges à plats de blanc et de jaune clair. C’est audacieux. Très beau. Un vaste champ s’ouvre. Oui. Mais, sans figures, comment rester près de la source familiale qui donne toute sa sève à son art ? Comment poursuivre ? Réponse à venir. L’artiste est celui qui rend possible l’impossible.

Nous vivons des temps énervés où l’artiste se croit obligé de monter aux arbres et de pratiquer l’outrance pour se faire remarquer au milieu d’un vacarme qui rend inaudible la nuance. Pourtant, c’est ce même temps qui rend possible Morandi, Hopper, leur lumière, leur silence, la proximité troublante de leur art. Pourquoi parler Morandi et d’Hopper ici ? Pour suggérer que Cécile Savelli leur ressemble ? Non. Non, bien sûr. Quel artiste ressemble à un autre ?
Mais elle se situe, comme eux, en décalage par rapport à l’époque, à part, soucieuse de lumière, de couleur et de dire l’intime, la vie bousculée, les peurs, la fureur même et les moments de bonheur, si jolis. Un bonheur apparemment immobile, serein. Fragile, en fait, assiégé. La peur rôde.
Pensez à la violence noire de la main qui exprime sans contrôle le désarroi, dans la série « les Phares », pensez à l’explicite et au caché de la série des torchons. Importante parce qu’elle hurle la misère de l’être et sa révolte. Importante parce qu’elle nous alerte sur la façon de voir vraiment cette peinture aux couleurs douces, aux perspectives malmenées. Le lilas, le vert amande, le bleu tendre sont « plus noirs que vous ne pensez ».
Tard venue à la peinture, Cécile Savelli avance avec, pour bagage, elle- même et une façon de dire qu’elle invente pas à pas, lentement.
Libre. Libre en peinture. Ouverte. Et pour donner à voir le désarroi la colère ou la paix, la fraîcheur, une même fraîcheur.
Déconcertante, mais une fraîcheur.

Novembre 2020

A DISCONCERTING FRESHNESS

By MICHEL NURIDSANY

She is not calm, not demure, not reserved. Not gentle either, as you might think at first if you don’t know her, when you hear her soft voice, when you watch her measured steps. Not moderate, not modest, not discreet either. Get all those words out of your mind. Not self-effacing. Forget what can seem obvious from a first impression.

Look. That’s all that matters.
Look at what she paints, what she draws, what she gives shape and life to. Here are figures seated around a slightly leaning table, in a perspective that is less sober than it seems. There are three of them: on the right, a woman with her eyes closed; in the center, a man bowing his head and crossing his hands in front of his mouth, in a pose that could be concentration, meditation, or prayer; on the left, a young man drinking. The figures all have the same skin color, sort of light brown or beige. The young man wears a dull red t-shirt, maybe wine-red, the woman a sweater of the same color, the man a white t-shirt. The composition, by decentering the scene towards the bottom, gives all the space to the walls which impose a pastel tint over the whole: a very light olive gray in the upper half, an equally light pinkish hue below it, and a very light almond green on the right that approximates the color of the table. There is air between the figures. They stand out easily, in a sort of tranquility. There is no dimension. No wrinkles in the faces, no creases in the clothes. Only a slight roughness of the paint, an absence of primer, to keep it from the category of flat-color. A certain sedateness haunts the scene, taken from a photo.
Morandi comes to mind, from the balance of the composition and the absence of props. From the intimacy. From the colors. When you say his name, Cécile Savelli’s face lights up. Yes, Morandi, she says, and she smiles. She adds, in the same vein: I also love the Italian primitives. Is that where the flat-color comes from? Yes, the flat-color. And the pale, luminous simplicity? Yes, that too.
Then, immediately after that, look at the « Torchons” (Dish Towels), at what is on those towels. What is happening, what is taking place, what drips, hesitates, and suddenly appears. All in a series, arranged almost edge to edge. There are a hundred of them. A magma, a kind of magma, something that wells up and gushes out. Irrepressible. They are just dish towels, bought cheaply in some market in Marseille, and painted quickly, hurriedly, carelessly, over a checked pattern resembling prison bars. It’s barely painted, more like thrown, struck, scolding the medium, whipping it. There’s no way of channeling this outburst. Just the opposite! Exploded, barely visible, what is it then? Sex. Violent. Blinding. What is painted is not a

subject, it is rage, urgency, the need to rid oneself of something, of abuse, of ravaging. It is the need to scream. This is terror, this is pure revolt. What is astounding about what happens on these rectangles of white and red, white and blue, white and orange, white and gray, is the incredible audacity that violates even the air of the place where this incredible wave surges. A rush of russet, of black.

In the two pieces which have just been described, there is the same simplicity of form, even a kind of poverty. This is what connects them. The desire to talk about her own history too, to represent the intimate. To represent it, to show it, not to illustrate it.
On the cover the book, in black lettering on a white background, there is a huge title— »LA VIE »—in capital letters.
« Life » or « My life »?
… My life, as it is in a way everyone’s life?
Cécile Savelli’s life has its origins in the south of Italy, in Calabria and Sicily. Poor Calabrians and Sicilians emigrated to Constantine, Algeria.
We didn’t talk about that at home, says Cécile Savelli. Sometimes, at the table, I could hear snatches of conversation. My aunts were the ones who led me to gradually piece together the history of the family. When I was a teenager, knowing I was the daughter of pieds-noirs was revolting to me. I told myself that I was from a family of colonialist fascists. I was ashamed. She would not go to Algeria until 2019. She speaks of this trip in astonishment at what she saw and lived there, at what happened, laughing at her rage when the faith leader at the mosque, without explaining anything to her, forced her to cover up so that nothing could be seen of her body. Out of this experience arose her series of « Robes » (Dresses).
Powerful images, very simple, covering almost the entire canvas, all front- facing and centered. The decorative patterns flow over the edges, from background to pattern, from pattern to background. Matisse comes to mind. And when we say Matisse, Cécile Savelli smiles as she does when we say Morandi. Two models? Two influences? Two admirations? Less? More? Not really a relation but a closeness, in the way she seizes the paint, directs the light, balances the forms, welcomes intensity. Here a red dress whose white flowered pattern, hastily represented, echoes the leaves and flowers of the background as it passes through blue and olive bands; there a Constantinian dress embroidered in gold, resembling chainmail that could stand up on its own; a brown abaya with a darker border and the hijab for covering the head. I can’t stand being shackled, she says, still talking about her run-ins at the mosque. It’s me, among all these dresses. It suits me or not. Am I a flamenco dancer, a Berber? I always felt unconventional, rootless.
Always present are Cécile Savelli and her life; she seems to discover it while painting, letting in color, varying the techniques often. Wax painting on very

fine wood here, India ink and colored pencil on paper there, serigraphy on a dish towel elsewhere, monotype, collages, even installation. The colors, however pale or pastel, do not prevent Cécile Savelli from being a colorist. Strangely, the first of her painting that I saw in 2014—at rue de Bagnolet, in Paris—were flung onto bamboo paper with black India ink. An incomprehensible but black interlace, streams of ink, big spots, imperfect shapes that appeared to speak of disappearance. It was good or bad, or nothing. Or extraordinary. Her aunt, with whom she took refuge when life got too difficult, had just died.

Cécile Savelli was born into art. Or rather, was reborn into art.
Because there was a first wave of attempts after she left the École des Beaux-Arts in Avignon in 1986, when she spent five years—freewheeling, she says—beginning in a studio for the restoration of paintings, and continuing for the last three years in an “art” studio. She drew, painted, sketched knick-knacks, wrote in notebooks that she didn’t keep. That she destroyed. I wasn’t confident enough to face the art world, she says. I couldn’t find my legitimacy. I felt like an impostor. It distressed me. And afterwards? Afterwards, I had children.
Today, most of her work gives the impression, if not of simplicity, then at least of ease. It looks as if it comes quickly to her. She approves; it comes quickly when it comes from her life, from her history, from the familiar. Then the artistic act follows. Spontaneous. Direct. Fluid and sovereign.
See this little phone stand in an ocean of soft blue, and a small section of purple wall, a tilted perspective that is not at all natural but obvious. See this woman in a harsh green sweater and blue pants, facing forward, placed on a flat pale blue, without perspective, surrounded by a child’s bestiary: cats, dogs, chickens, rabbits, and two mating turtles.
Simple or « simply complicated, » as Thomas Bernhard says?
When I visited her studio in Marseille in 2018, I was captivated by a tiny square painting hanging on the wall. A strange painting, immediately fascinating, intense, overrun by brown. Against this brown were placed two seated feminine forms, one fairly clear, in profile, the other almost from the front, less distinct, dissolving into a sort of orangish frame. It took me a
while to figure it out and see that this was the reflection in a large mirror of the woman sitting to the right, with a child on her belly, a mother and child. Cécile Savelli gave it a title: « Seule” (Alone). A surprising title for a mother and child, but if titles are given to paintings, they might as well contribute something, right?
« Alone »: « That isn’t without meaning », as Rimbaud wrote to Georges Izanbard, his former teacher.
It was also there in the studio that I discovered her “Autoportraits de ménage” (Household Self-portraits), small paintings in wax emulsion that I adored. I exhibited them in Paris, in a gallery that no longer exists on rue Jouye Rouve, between Belleville and Pyrénées, next to pieces by Damien

Cabannes, Martine Aballéa, Anne Brégeaut, Laurent Pernot, Lionel Sabatté, and others. We see a housewife who, although viewed from behind, looks like Cécile Savelli. She hangs her laundry, she cooks. We circulate there in a blurred space, reduced to the essential, the stove and the one cooking, as seen from behind to increase the effacement, the impersonality of the function, emphasized by the surrounding ordinary colors breaking down into grays, greenish grays, and pinkish grays.

There is no narrative here. There is never any narrative in Cécile Savelli’s painting, slow motion images, barely arranged, with some areas of rest and others of collapse. Grandmothers, grandfathers, mothers, fathers, children. The family. But the family as oddity. And look, she depicts this oddness from questions in her mind, and the first is the most simply complicated: what is a family? There is no easy answer, at least for one who has encountered many pitfalls in a life that was never a long, quiet river. Images that look restrained.

And the series of orangutans amid all of this, are they an incongruity? Or are these hominids part of the family? In Indonesian, it seems that “orangutan” means « person of the forest. » Not « animal » but « person. » See the grace of this red arm thrown into space like that of a dancer, depicted against a background of floral wallpaper. When she talks about the orangutans and then about her family, between laughs, Cécile Savelli says that having seen the skin beneath the hair on one of these « people of the forest, » she thought of her father who had long, thick hair all over his body. Anecdote. Memories. Sweet, funny things. Beyond that, think painting, and look: they are masses. Thought travels, associations of ideas too, and emotions. We look, we wonder, we discover, we contemplate, we smile, we share, we let ourselves be caught up in the dizziness. And then, with all the moorings cast off, the unspeakable: color. Color that is not an oddity but a madness. Henry James talks about the madness of art. At the heart of this madness is color, even stranger yet, which diffuses its mystery in the space of the painting and beyond.

Strangeness all the stranger that sometimes, often, in Cécile Savelli’s work, even in the most obvious paintings, revelation goes through an obscuration. See the mother and child entitled « Seule. »
More recently, Cécile Savelli has introduced abstraction into her practice, mixing it with figurative or decorative elements from everyday life. She glues floral-patterned squares of fabric onto large areas of white and pale yellow. It’s daring. Beautiful. A vast field opens up. Yes. But without figures, how to remain close to the familial source that gives all its life to her art? How to continue? The answer will come. The artist is the one who makes the impossible possible.

We live in anxious times, when the artist feels obligated to climb to great heights, to go to extremes, to stand out amid the noise that obscures any

nuance. And yet, these same times open the way for Morandi and Hopper, their light, their silence, the disturbing proximity of their art. Why mention Morandi and Hopper here? Is it to suggest that Cécile Savelli resembles them? No, of course not. What artist ever resembles another?

But she is, like them, out of step with her time, apart, concerned with light, color, the sharing of intimacy, the hurried life, the fears, even the rage, and the moments of happiness, so lovely. An apparently still, serene happiness. Fragile, in fact, under siege. Fear is lurking.

Think of the dark violence, the distress so freely expressed in the series « Les Phares” (Lighthouses), think of the explicit and the hidden elements in the series of dish towels. Important because it screams the misery of the person and her revolt. Important because it alerts us to the way of really seeing this painting with soft colors and battered perspectives. The lilac, the almond green, and the soft blue are « darker than you think. »
New to the practice of painting, Cécile Savelli brings both herself and a manner of expression that she invents slowly, step by step.
Free. Free in painting. Open. And to show the distress, the anger or peace, the freshness, the same freshness.
Disconcerting, but freshness all the same.